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mercredi 6 juillet 2022

David Bowie, "Les Chroniques Bowie France" par Ludovic Marin

 David Bowie, "Les Chroniques Bowie France" par Ludovic Marin.


 

Des chroniques écrites de façon thématique, chacune se focalisant sur un album, une tournée, une collaboration, un titre , une compilation, un événement particulier de la vie de David Bowie.

Plus de 80 entrées pour plus de 450 pages d'une lecture agréable et extrêmement bien documentée. 

Fourmillant d'infos, d'anecdotes, chaque chronique, de quelques pages chacune, se lit facilement grâce à une écriture simple.

Un livre qui non seulement plaira aux "débutants" mais aussi aux aficionados, regorgeant d'informations sans être rébarbatif.

Chaque tournée ou album est replacé dans son contexte. Il existe un "mix" particulier pour tel titre, vous saurez ou le trouver. Une erreur de pressage sur un disque, vous saurez la déceler. Un concert édité en édition limitée, vous saurez ou regarder pour l'écouter.

Un compagnon parfait pour les vacances, grâce à son format de poche.

Disponible ICI

Vous pouvez retrouver toute l'actualité sur Bowie avec Bowie France 

La chronique de "Heaven" tirée du livre:

"Heathen", vingt-troisième album de David Bowie est sorti le 11 juin 2002, il y a tout juste (et déjà) 20 ans !
Subtil équilibre de rock efficace et d'expérimentation, il marque le retour de Tony Visconti à la production, pour une réussite autant artistique que commerciale. "Heathen" puise une partie de ses sources dans un album avorté réalisé entre la fin de l’année 2000 et le début de l’année 2001, "Toy", dont l'idée était de remettre au goût du jour des compositions de l'artiste datant des années 60 et d'enregistrer quelques nouveaux titres dans la même veine. Le résultat, refusé par la maison de disque Virgin, pousse alors David Bowie à signer chez Sony et à créer son propre label, Iso.
Certains des titres enregistrés pour "Toy" seront repris pour "Heathen" ou figureront en titres bonus sur les singles extraits de cet opus. L'émouvante "Slip Away" est une de ces chansons. D'abord créée sous le nom "Uncle Floyd" pour "Toy", il s'agissait d'un hommage à l'émission TV américaine pour enfants "The Uncle Floyd Show" animée par Floyd Vivino. Un extrait de cette émission sert d'ailleurs d'introduction à la version enregistrée pour "Toy", mais pas sur "Slip Away", qui est légèrement remaniée pour "Heathen". Sur ce titre, on peut entendre Bowie jouer du stylophone (et le voir sur les concerts de la tournée Heathen Tour), instrument qu'il avait utilisé et popularisé sur la chanson "Space Oddity".
L'album s'ouvre donc sur "Sunday", une chanson profonde et introspective dont les sonorités discrètes et subtiles trouveront écho sur d'autres autres excellents titres : "I would be your Slave", "5:15 The Angels have gone" et "Heathen (The Rays)", titre de fermeture. Enchaînant les pépites, "Heathen" est une œuvre intemporelle et magistrale. Parmi elles, "I Took A Trip On A Gemini Spaceship" est une reprise d'un titre obscur du chanteur country américain The Legendary Stardust Cow-Boy, dont David Bowie s'était également inspiré pour le nom de Ziggy Stardust. Une relecture très éloignée de la version originale tant Bowie y apporte sa touche personnelle.
Autre reprise : "Cactus", un titre du groupe de rock alternatif américain Pixies publié en 1988 sur leur premier opus "Surfer Rosa", dont David Bowie était fan. Dans la version originale, entre le second couplet et le refrain, Franck Black et les autres membres du groupe épellent les lettres P I X I E S. Dans sa version, Bowie les remplace fort logiquement par D A V I D. "Heathen" compte son lot d'invités de marque, comme la présence sur "Slow Burn", sortie en single, de Pete Townhsend, le guitariste de The Who, ou sur "I've Been Waiting For You" (reprise d'un titre de Neil Young issu de son premier album éponyme paru en 1968) de Dave Grohl des Foo Fighters, également à la guitare.
L'édition digipack de l'album comprend un deuxième disque bonus qui renferme une nouvelle version de "Conversation Piece" rescapée des sessions "Toy" (l'originale datant des sessions de l'album "Space Oddity" en 1969) ainsi qu'une version inédite de "Panic In Detroit" datant de 1979. David Bowie s'intéressant toujours aux nouveaux supports, "Heathen" sortira également au format SACD (une évolution technologique du CD restée finalement confidentielle) avec un mix plus long pour la plupart des titres.
Au delà d'une évidente nostalgie et d'une crainte sous-jacente de l'avenir, un sentiment de sérénité émerge de "Heathen" ; l'album ayant été enregistré aux Allaire Studios (dans les Catskill Mountains à 200 kilomètres au nord de New York), dotés de grandes baies vitrées ouvertes sur la nature. Les sessions de "Heathen" en ces lieux, studieuses et inspirées, produiront également quelques chansons supplémentaires destinées, aux côtés des chansons rescapées de "Toy", aux faces B des singles "Slow Burn" (sorti le 3 juin 2002) et "Everyone Says 'Hi'" (sorti le 16 septembre 2002) dont "Wood Jackson" et "When The Boys Come Marching Home" qui n’auraient pas dépareillé sur l’album. "I've Been Waiting For You" sortira également en single en octobre 2002, mais uniquement au Canada.
Lorsque David Bowie prend la route en 2002 pour le "Heathen Tour", sa dernière véritable tournée remonte déjà à 1997, avec les quatre-vingt-trois dates du "Earthling Tour". Bien entendu, David Bowie s'est produit sur scène depuis, mais sans la démesure ou la durée des tournées précédentes. En 1999, l'album "Hours" avait été soutenu par une courte série de neuf concerts - davantage des showcases - et quelques passages dans diverses émissions télévisées. Puis, l'année suivante, le "Mini Tour" avait regroupé deux dates au Roseland Ballroom de New York les 16 et 19 juin 2000, le concert au Glastonbury Festival le 25 juin 2000 et la mémorable prestation au BBC Radio Theatre le 27 juin 2000. Le "Heathen Tour" va voir les choses en plus grand et proposer trente-six dates, réparties entre le 29 juin 2002 et le 23 octobre 2002, visitant dix pays en quatre segments sur les continents européens et nord-américains. Une grande partie des dates planifiées est choisie pour intégrer la programmation de festivals européens et américains ; une démarche similaire au "Outside Summer Festivals Tour" en 1996. Bowie et son groupe se produiront par exemple lors des douze dates du "Area 2 Festival", événement itinérant entre les États-Unis et le Canada organisé par Moby du 28 juillet au 16 août 2002. Faisant suite à une première édition en 2001, le festival de Moby ne connaîtra pas de troisième édition par la suite.
Pour l'accompagner sur scène, David Bowie fait appel aux principaux musiciens ayant participé à l'enregistrement de "Heathen". En plus du chant, Bowie joue de la guitare, des claviers, du saxophone, du stylophone et de l'harmonica, et partage la scène avec Earl Slick à la guitare, Gerry Leonard à la guitare, Mark Plati à la guitare et aux claviers, Gail Ann Dorsey à la basse, au chant et au tambourin, Mike Garson au piano, Sterling Campbell à la batterie et Catherine Russell aux chœurs et aux claviers. En complément des habituelles répétitions, la tournée est précédée de trois concerts de préparation. Le premier d'entre eux a lieu le 11 juin 2002, jour de sortie de "Heathen", au Roseland Ballroom de New York. Événement réservé exclusivement aux membres du site BowieNet, le chanteur y interprète l'intégralité du nouvel album, mais aussi, pour la première fois, de "Low", initialement paru en 1977. Le deuxième concert, le 14 juin 2002, a lieu sur la Rockefeller Plaza de New York avec quelques titres joués pour l'émission de télévision "The Today Show" de la chaîne NBC, tandis que le troisième événement, le 15 juin 2002, est une participation de Bowie et ses musiciens à l'émission "Live by Request" de A&E Network. Enregistrée aux Sony Music Studios de New York et diffusée depuis 1996, l'émission offre aux téléspectateurs la possibilité de choisir par appel téléphonique et passage à l'antenne les chansons jouées par les artistes invités, et a déjà reçu sur son plateau Elvis Costello, Eurythmics, The Bee Gees, Elton John, Santana, Phil Collins, ou encore Earth, Wind & Fire. Mêlant nouvelles chansons et classiques du répertoire de David Bowie, l'émission contient notamment un appel de Moby réclamant "Sound And Vision" et un moment attendrissant où un très jeune garçon prénommé George demande à David Bowie de jouer "Ashes To Ashes". Cet enregistrement est depuis disponible de manière non officielle en audio et vidéo, alors que d'autres artistes comme Blondie ont édité leur passage dans "Live by Request" en disque officiel.
Le "Heathen Tour" va réellement débuter le 29 juin 2002 au Royal Festival Hall de Londres. Cette première date de la tournée est également la dernière date du "Meltdown Festival", un festival annuel d'art et de musique organisé à Londres, et dont le directeur artistique pour l'édition 2002 n'est autre que... David Bowie ! Ce rôle, annoncé par les organisateurs de l'événement le 11 février 2002, permettra au chanteur de réaliser la programmation du 14 au 29 juin avec des concerts de The Legendary Stardust Cowboy (dont le nom de scène aurait inspiré Bowie pour la création de son avatar Ziggy Stardust, et dont le titre "I Took A Trip On A Gemini Spaceship" est repris - et transfiguré - par Bowie sur l'album "Heathen"), de Coldplay, de The Waterboys ou encore une performance des symphonies "Low" et "Heroes" (composées par Philip Glass en s'inspirant des albums éponymes de David Bowie) par le London Sinfonietta. La soirée de clôture du 29 juin, intitulée "The New Heathens Night", proposait également au public, en plus du premier concert du "Heathen Tour", une première partie assurée par le groupe The Dandy Warhols puis un set du DJ Jonathan Ross. Ce premier segment européen de la tournée se poursuit dès le 1er juillet 2002 à Paris, avec un concert sold-out à l'Olympia, filmé et retransmis par la chaîne de télévision Arte. Après un passage par la Scandinavie, la Belgique ou l'Allemagne, le "Heathen Tour" fera de nouveau une escale en France le 14 juillet 2002 aux Arènes de Nîmes et terminera le segment par une participation au "Montreux Jazz Festival" en Suisse, dans l'auditorium Stravinski. A cette occasion, l'album "Low" est de nouveau joué dans sa presque intégralité lors des rappels, à l'exception du titre "Weeping Wall".
La tournée reprend ensuite le 28 juillet 2002 pour un segment américain exclusivement constitué des dates du "Area 2 Festival" (un bootleg d'excellente qualité du concert du 5 août 2002 au Molson Amphitheater de Toronto est disponible en CD non officiel depuis le printemps 2020) jusqu'au 16 août 2002. Après un mois de repos pour Bowie et ses équipes, le "Heathen Tour" revient sur le vieux continent à partir du 22 septembre 2002 pour une série de six concerts : trois en Allemagne (Berlin, Bonn, Munich), deux au Zénith de Paris les 24 et 25 septembre et une ultime date européenne à Londres le 2 octobre 2002. La dernière partie du "Heathen Tour" se passe de nouveau en Amérique du Nord avec cinq concerts à New York entre le 11 et le 20 octobre 2002, puis deux dernières dates le 21 octobre à Upper Darby et le 23 octobre à Boston. Les cinq concerts à New York ont la particularité de se dérouler chacun dans un des cinq grands quartiers de la ville : Manhattan, Brooklyn, le Queens, le Bronx et Staten Island. David Bowie appellera ces dates "The New York Marathon Tour" et plaisantera en affirmant : "je pourrais presque rentrer de ces concerts jusqu'à chez moi en roller".
Musicalement, les setlists des concerts du "Heathen Tour" vont fort logiquement mettre en avant les compositions du nouvel album, dans des interprétations généralement très proches des versions studio. Les outros des titres d'ouverture et de fermeture du disque dans leurs versions scéniques, "Sunday" et "Heathen (The Rays)", bénéficient toutefois de légères rallonges typiquement live par les guitaristes Earl Slick et Gerry Leonard. En plus des nouvelles chansons et des onze titres issus de l'album "Low", David Bowie va également puiser d'autres classiques dans ses albums antérieurs. De "Space Oddity" à "Hallo Spaceboy" en passant par "Fame", "Let's Dance" ou "Ashes To Ashes", la plupart des titres sont interprétés dans des arrangements contemporains et maîtrisés à l'extrême par les musiciens, délaissant les versions des tournées "Outside" et "Earthling" qui étaient davantage marquées par le son de ces deux albums. Au rang des reprises, on peut noter le retour sur scène du titre "Alabama Song", signé Bertolt Brecht, qui figurait pour la première fois au répertoire scénique de David Bowie en 1978 lors de la tournée "Isolar 2".
Au final, "Heathen" se révèle être un des meilleurs disques de la carrière de David Bowie, offrant une grande diversité d'ambiances et de textures musicales tout en étant cohérent du début à la fin, et marquant un nouveau départ dans la fructueuse collaboration (et l’amitié) entre David Bowie et le producteur Tony Visconti. Aujourd'hui, et même si de nombreux bootlegs du "Heathen Tour" sont disponibles en CD ou en vidéo - dont le fameux concert à l'Olympia - il n'existe toujours pas d'album live officiel de la tournée.